Économie du Yémen : situation actuelle, défis et perspectives
Le Yémen, situé à l’extrémité sud de la péninsule arabique, possède une position géostratégique importante grâce à sa proximité avec le détroit de Bab el-Mandeb. Toutefois, son économie est l’une des plus fragiles du monde, affaiblie par des décennies de mauvaise gouvernance, de dépendance au pétrole, et surtout par un conflit armé qui perdure depuis 2015. Dans cet article, nous allons explorer les caractéristiques de l’économie yéménite, les défis majeurs qu’elle rencontre, ainsi que les perspectives d’avenir pour un redressement durable.
Une économie historiquement fragile et dépendante du pétrole
Avant la guerre, le Yémen dépendait largement de ses exportations de pétrole brut, qui représentaient environ 70 % des recettes publiques et plus de 90 % des exportations. Cependant, les réserves sont limitées, et la production pétrolière a drastiquement chuté en raison de l’insécurité, du sabotage des infrastructures, et du retrait des compagnies étrangères.
Outre le pétrole, le pays dispose de ressources naturelles telles que le gaz naturel, le poisson, le marbre et certains minéraux, mais leur exploitation reste marginale.
Le rôle limité de l’agriculture et de la pêche
L’agriculture emploie environ 50 % de la population active, mais elle contribue à moins de 20 % du PIB. Le Yémen souffre d’un stress hydrique extrême, et ses terres cultivables sont rares. Les cultures principales sont le sorgho, le blé, les légumes, les fruits et surtout le qat, une plante euphorisante largement consommée localement. La culture du qat, bien que générant des revenus, est critiquée pour sa consommation excessive d’eau et son impact sur la sécurité alimentaire.
La pêche, notamment dans la mer d’Arabie et la mer Rouge, constitue un potentiel non négligeable. Cependant, le manque d’infrastructures modernes et les risques liés au conflit limitent fortement son développement.
Le secteur informel : un pilier économique en temps de guerre
Avec l’effondrement des institutions officielles, une large part de l’activité économique s’est déplacée vers le secteur informel. De nombreux Yéménites survivent grâce à de petites activités commerciales, au troc, ou à l’aide humanitaire. Les transferts de fonds envoyés par la diaspora jouent également un rôle crucial dans le soutien aux familles.
Ce secteur informel, bien que vital pour la résilience de la population, échappe au contrôle de l’État, ce qui complique la planification économique et la mobilisation des recettes fiscales.
Conséquences économiques de la guerre
Le conflit en cours depuis 2015 a eu un impact dévastateur sur l’économie du Yémen. Les infrastructures ont été détruites ou gravement endommagées, y compris les routes, les ports, les aéroports, les centrales électriques et les établissements de santé. L’économie a reculé de plus de 50 % depuis le début de la guerre, selon la Banque mondiale.
L’inflation galopante, l’effondrement de la monnaie (le rial yéménite) et la fragmentation des institutions économiques entre le nord et le sud aggravent la situation. Le secteur bancaire est paralysé, et la Banque centrale, divisée, ne joue plus son rôle de régulation monétaire de manière efficace.
L’aide humanitaire : moteur économique indirect
Face à l’effondrement de l’économie nationale, l’aide humanitaire internationale est devenue une source essentielle de revenus pour des millions de Yéménites. Des organisations comme le Programme alimentaire mondial (PAM), l’UNICEF ou l’OMS apportent nourriture, soins de santé, et assistance financière.
Cette aide, bien qu’indispensable, ne remplace pas une économie fonctionnelle. Elle génère également des distorsions, favorise les dépendances, et peut être instrumentalisée par les groupes armés pour asseoir leur pouvoir.
Le commerce extérieur : un secteur asphyxié
Le commerce international du Yémen est gravement affecté par le blocus maritime et aérien imposé par la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite. Les importations, notamment de biens alimentaires et de carburants, sont soumises à des retards, des taxes élevées ou des restrictions, augmentant les coûts et aggravant l’insécurité alimentaire.
Les exportations sont presque inexistantes. Le port d’Hodeïda, principal point d’entrée du pays, fonctionne à un rythme réduit. Le rétablissement des circuits logistiques et douaniers est un enjeu majeur pour toute relance économique.
Perspectives économiques et reconstruction
La reconstruction de l’économie yéménite dépend d’une paix durable et d’une transition politique inclusive. Sans cela, les investissements resteront limités, et la fuite des cerveaux se poursuivra. La Banque mondiale, le FMI et les bailleurs internationaux estiment que plusieurs dizaines de milliards de dollars seront nécessaires pour reconstruire les infrastructures et relancer les services publics.
Des pistes de relance existent :
- Redéveloppement du secteur agricole en misant sur des techniques de culture économes en eau.
- Réhabilitation des infrastructures énergétiques et portuaires.
- Soutien aux PME et à l’entrepreneuriat local.
- Renforcement des capacités institutionnelles et fiscales.
Le secteur des technologies et du numérique, encore embryonnaire, pourrait aussi offrir des opportunités à la jeunesse yéménite dans le futur.
Conclusion
L’économie du Yémen est aujourd’hui l’une des plus sinistrées du monde, victime d’un conflit prolongé, d’une mauvaise gestion structurelle et de catastrophes humanitaires à répétition. Malgré cela, la résilience de sa population, l’aide internationale et les richesses naturelles encore inexploitées pourraient servir de base à une reconstruction progressive.
À condition qu’une paix durable soit instaurée et qu’un effort concerté soit mené pour reconstruire les fondements de l’État et de l’économie, le Yémen pourrait un jour redevenir un acteur économique stable dans la région. Mais le chemin est long et semé d’embûches.