Histoire du Yémen : des royaumes antiques à l’époque contemporaine
Le Yémen, situé à l’extrémité sud-ouest de la péninsule arabique, possède une histoire riche et complexe façonnée par des royaumes puissants, des échanges commerciaux florissants et des conflits géopolitiques contemporains. De l’antiquité à nos jours, l’histoire du Yémen reflète une continuité culturelle impressionnante ainsi que des bouleversements majeurs qui ont marqué la région et le monde arabe.
Les royaumes antiques : Saba, Maïn et Himyar
L’histoire du Yémen commence dans l’Antiquité, avec l’émergence de plusieurs royaumes prospères entre le Xe siècle av. J.-C. et le VIe siècle ap. J.-C. Le plus célèbre est le royaume de Saba, mentionné dans la Bible et associé à la légendaire reine de Saba. Ce royaume a connu son apogée entre le VIIIe et le Ve siècle av. J.-C., avec Marib comme capitale, célèbre pour son barrage, l’un des plus grands ouvrages d’ingénierie hydraulique de l’époque.
À la suite de Saba, d’autres royaumes comme Maïn, Qataban et surtout Himyar ont émergé. Le royaume himyarite, qui domina la région du IIe au VIe siècle ap. J.-C., jouait un rôle central dans les routes commerciales reliant la Méditerranée à l’Inde. Le Yémen antique était aussi un centre de production d’encens et de myrrhe, très prisés dans l’Antiquité.
L’introduction du judaïsme et du christianisme
Le Yémen préislamique a vu coexister plusieurs croyances. Le judaïsme s’est implanté dans la région, notamment sous le règne de certains rois himyarites qui se convertirent à cette religion, comme Dhu Nuwas, célèbre pour ses persécutions contre les chrétiens à Najran au VIe siècle. Le christianisme, propagé par les Éthiopiens d’Aksoum, a aussi influencé le sud de l’Arabie avant l’avènement de l’islam.
La conquête musulmane et les débuts de l’islam
L’islam s’est répandu rapidement au Yémen dès la vie du prophète Mahomet. Des envoyés de Mahomet, comme Muadh ibn Jabal, furent envoyés pour enseigner la nouvelle religion. Dès le VIIe siècle, le territoire fut intégré au califat islamique. Le Yémen a joué un rôle important dans l’expansion de l’islam, avec des tribus influentes qui participèrent aux conquêtes islamiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Les dynasties locales et les influences étrangères
Au fil des siècles, le Yémen fut gouverné par différentes dynasties locales : les Zaydites dans le nord, les Rassides, les Rasoulides et d’autres pouvoirs chiites et sunnites. La montagne yéménite offrait un refuge naturel permettant l’émergence de pouvoirs indépendants face aux grands califats (Omeyyades, Abbassides).
À partir du XVIe siècle, l’Empire ottoman s’intéressa au Yémen pour sécuriser la route vers La Mecque et contrôler la mer Rouge. Les Ottomans établirent leur domination sur le nord du pays jusqu’au début du XXe siècle, malgré une résistance locale tenace.
Colonisation britannique et division du pays
Le sud du Yémen, notamment la ville d’Aden, fut occupé par les Britanniques en 1839, devenant un port stratégique de l’Empire britannique sur la route des Indes. Aden devint une colonie de la Couronne en 1937, et le reste du sud fut organisé en protectorat, avec plusieurs sultanats sous contrôle britannique.
Cette dualité coloniale mena à une division durable du Yémen : au nord, les Ottomans puis les Zaydites indépendants ; au sud, les Britanniques jusqu’en 1967. Cette division a profondément influencé l’histoire moderne du pays.
Naissance de deux Yémens : Nord et Sud
Après la fin de la domination ottomane, le royaume du Yémen (nord) fut proclamé en 1918 sous la direction de l’imam Yahya. En 1962, une révolution militaire renversa la monarchie zaydite, et la République arabe du Yémen fut fondée, entraînant une guerre civile entre républicains et monarchistes jusqu’en 1970.
Au sud, les Britanniques quittèrent Aden en 1967, et le Yémen du Sud devint la République démocratique populaire du Yémen, le seul État marxiste du monde arabe, soutenu par l’URSS et la Chine. Le Sud connut aussi des conflits internes entre factions communistes rivales.
Unification du Yémen en 1990
Le 22 mai 1990, les deux Yémens furent réunifiés pour former la République du Yémen, avec Sanaa comme capitale politique et Aden comme capitale économique. Ali Abdallah Saleh, président du Nord depuis 1978, devint président du pays unifié.
Mais l’unification ne résolut pas les tensions : en 1994, une guerre civile éclata entre le Nord et le Sud, à l’issue de laquelle le Sud fut militairement réintégré. Des sentiments sécessionnistes persistent dans le sud jusqu’à aujourd’hui.
Le Yémen au XXIe siècle : instabilité et guerre
Les années 2000 furent marquées par des rébellions, notamment celle des Houthis, une faction zaydite du nord, ainsi que par la présence croissante d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). En 2011, lors du printemps arabe, d’importantes manifestations poussèrent Ali Abdallah Saleh à quitter le pouvoir après 33 ans de règne.
Son successeur, Abd Rabbo Mansour Hadi, peina à stabiliser le pays. En 2014, les Houthis s’emparèrent de Sanaa, déclenchant une nouvelle guerre civile. Depuis 2015, une coalition dirigée par l’Arabie Saoudite intervient militairement contre les Houthis, soutenus par l’Iran, exacerbant la crise humanitaire au Yémen.
Une crise humanitaire et géopolitique majeure
Le conflit a provoqué la pire crise humanitaire au monde selon l’ONU : famines, épidémies, déplacements de population, destruction des infrastructures… Des pourparlers de paix sont en cours, mais le pays reste divisé, avec plusieurs pouvoirs concurrents contrôlant différentes régions.
Conclusion
L’histoire du Yémen, traversée par des civilisations antiques prestigieuses, des influences religieuses et coloniales, ainsi que des conflits modernes, est à la fois fascinante et tragique. Malgré les défis actuels, le peuple yéménite conserve une identité culturelle forte, héritière d’un passé millénaire. Comprendre cette histoire est essentiel pour envisager l’avenir de ce pays clé de la péninsule arabique.