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La politique au Yémen : entre espoir démocratique et crise profonde

Le Yémen traverse depuis plusieurs décennies une crise politique majeure marquée par l’instabilité, les conflits armés, et la fragmentation du pouvoir. De la République fondée en 1990 à la guerre civile actuelle, le système politique yéménite reflète les tensions ethniques, religieuses et régionales profondes qui divisent le pays. Dans cet article, nous explorons l’organisation politique du Yémen, ses institutions, les principaux acteurs, et les enjeux actuels qui façonnent sa trajectoire incertaine.

Une brève histoire politique depuis l’unification

Le Yémen moderne est né en 1990 de l’unification entre deux États distincts : la République arabe du Yémen (Nord) et la République démocratique populaire du Yémen (Sud). Cette fusion a été saluée comme une avancée vers la stabilité et la démocratie. Le président nordiste Ali Abdallah Saleh est devenu président du Yémen unifié, tandis que le sudiste Ali Salim al-Beidh a été nommé vice-président.

Cependant, des tensions persistantes ont rapidement émergé. En 1994, une guerre civile a éclaté entre le Nord et le Sud, se soldant par la victoire du gouvernement central. Le rêve d’unité s’est alors mué en domination du Nord sur le Sud, alimentant un ressentiment durable.

Le régime d’Ali Abdallah Saleh : autoritarisme et clientélisme

Ali Abdallah Saleh a dirigé le pays de 1978 à 2012 (Nord puis Yémen unifié), instaurant un système politique autoritaire fondé sur des alliances tribales, militaires et religieuses. Il a mis en place une présidence forte appuyée par un parti dominant, le Congrès général du peuple (CGP).

Le parlement, bien que formellement élu, n’a eu qu’un rôle limité. La corruption, le népotisme et les atteintes à la liberté de la presse ont caractérisé son régime, tout en maintenant un équilibre fragile entre les différentes tribus et courants religieux, notamment les Zaydites du nord et les sunnites du sud et de l’ouest.

Le Printemps arabe et la chute de Saleh

En 2011, le Printemps arabe atteint le Yémen. Des manifestations massives réclament la démission d’Ali Abdallah Saleh. Après plusieurs mois de protestations et une tentative d’assassinat, Saleh est contraint de quitter le pouvoir en 2012. Il est remplacé par son vice-président, Abd Rabbo Mansour Hadi, dans le cadre d’un accord soutenu par le Conseil de coopération du Golfe (CCG).

Hadi lance une Conférence de dialogue national en 2013, destinée à repenser le système politique et à instaurer un État fédéral. Mais cette initiative échoue face à la montée des tensions régionales et à l’émergence de groupes armés.

L’émergence des Houthis et l’effondrement de l’État

Les Houthis, un mouvement chiite zaydite du nord, prennent progressivement le contrôle de larges portions du territoire. En 2014, ils s’emparent de Sanaa, la capitale, forçant Hadi à fuir à Aden puis en Arabie Saoudite. Ils sont soutenus, selon plusieurs analystes, par l’Iran, bien que le lien soit complexe.

En réponse, une coalition militaire dirigée par l’Arabie Saoudite intervient en mars 2015 pour restaurer le gouvernement légitime. Depuis, le Yémen est plongé dans une guerre civile dévastatrice opposant les forces pro-Hadi, soutenues par Riyad et Abou Dabi, aux Houthis. D’autres factions, comme les séparatistes du Sud (Conseil de transition du Sud), compliquent davantage le paysage politique.

Un État fragmenté et des autorités parallèles

Depuis 2015, le Yémen est un pays politiquement fragmenté. Le gouvernement reconnu internationalement est basé à Aden, mais a peu d’autorité réelle. Les Houthis contrôlent Sanaa et la majorité du nord du pays, où ils ont établi leur propre administration, émettent des lois et perçoivent des impôts.

Dans le sud, le Conseil de transition du Sud (CTS), soutenu par les Émirats arabes unis, revendique l’autonomie, voire l’indépendance, du Sud. Le Yémen est ainsi divisé en plusieurs zones d’influence, avec des gouvernements parallèles, des milices tribales et religieuses, et une administration centrale affaiblie.

Le rôle des acteurs internationaux

Le conflit politique au Yémen a rapidement pris une dimension régionale et internationale. L’Arabie Saoudite soutient le gouvernement Hadi pour contrer l’influence iranienne supposée des Houthis. L’Iran nie toute implication directe, mais apporte un soutien politique et, selon certains rapports, logistique.

Des acteurs comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’ONU tentent de promouvoir des solutions diplomatiques, sans succès durable jusqu’à présent. L’envoyé spécial des Nations unies pour le Yémen a engagé plusieurs cycles de négociations, notamment à Stockholm (2018) et Riyad (2023), sans parvenir à une paix définitive.

Un système politique à reconstruire

Le Yémen ne dispose plus aujourd’hui d’un système politique unifié. Les institutions sont paralysées ou éclatées. Le Parlement ne fonctionne plus, et la Constitution est largement inappliquée. La justice est également divisée selon les zones de contrôle.

La reconstruction politique du Yémen nécessitera un dialogue national inclusif, la rédaction d’une nouvelle constitution, et la réintégration des différentes forces politiques et régionales. La question du fédéralisme, largement discutée dans les années 2010, pourrait redevenir centrale.

Conclusion

La politique au Yémen est le reflet d’un pays en crise, marqué par des décennies d’autoritarisme, de divisions internes et d’ingérences extérieures. Aujourd’hui, le Yémen est un État éclaté, sans autorité centrale effective, où plusieurs gouvernements coexistent et s’affrontent. Pour sortir de cette impasse, un effort de médiation internationale, doublé d’une volonté politique des acteurs locaux, sera indispensable. L’avenir politique du Yémen dépendra de la capacité des Yéménites à surmonter leurs différences pour construire un État inclusif et durable.