Les religions au Yémen : entre tradition islamique et diversité locale
Le Yémen, situé à l’extrémité sud-ouest de la péninsule arabique, est un pays profondément ancré dans l’histoire de l’islam. Si l’islam y est pratiqué par plus de 99 % de la population, la diversité des courants religieux, notamment le sunnisme et le chiisme zaydite, façonne non seulement la spiritualité du pays, mais aussi ses équilibres politiques et sociaux. Ce tissu religieux complexe remonte à des siècles d’histoire et continue d’exercer une influence majeure sur la société yéménite contemporaine.
L’islam, religion dominante au Yémen
L’islam est la religion d’État au Yémen, et la quasi-totalité des Yéménites sont musulmans. La Constitution stipule que toute législation doit être conforme à la charia (loi islamique), et l’éducation religieuse occupe une place centrale dans les écoles.
Il existe deux grands courants de l’islam au Yémen : le sunnisme (principalement de rite chaféite) et le chiisme zaydite. Contrairement à d’autres pays où le clivage entre sunnites et chiites est marqué, au Yémen, ces deux communautés ont longtemps cohabité relativement pacifiquement.
Le sunnisme au Yémen
Les sunnites représentent environ 55 à 60 % de la population. Ils sont principalement présents dans le sud, l’est et certaines zones côtières, notamment à Aden, Taëz, Hadramout et Abyan. La majorité des sunnites yéménites suivent l’école chaféite de jurisprudence islamique.
Le sunnisme yéménite est souvent influencé par des pratiques soufies, notamment dans les régions d’Hadramout où les confréries soufies ont historiquement joué un rôle social et éducatif important. Cependant, au fil des décennies, l’influence de mouvements plus conservateurs, comme le salafisme, s’est accrue, notamment à travers l’enseignement religieux et les écoles islamiques financées par des pays du Golfe.
Le chiisme zaydite : une spécificité yéménite
Le zaydisme est un courant du chiisme propre au Yémen, très différent du chiisme duodécimain dominant en Iran et en Irak. Les zaydites représentent environ 35 à 40 % de la population et sont principalement installés dans les régions du nord-ouest du pays, autour de Saada, Sanaa, Dhamar et Amran.
Le zaydisme est considéré comme un courant modéré du chiisme, dont les pratiques et doctrines sont proches du sunnisme. Il prône une forme de leadership religieux basé sur le mérite plutôt que sur l’hérédité stricte des imams. Historiquement, les zaydites ont gouverné le nord du Yémen pendant plus de 1000 ans à travers l’imamat zaydite, jusqu’à sa chute en 1962 lors de la révolution républicaine.
Depuis les années 2000, le mouvement houthi, issu de la communauté zaydite, a ravivé l’identité chiite dans une optique politique et militaire. Cette évolution a contribué à exacerber les tensions entre zaydites et sunnites, en particulier dans le contexte de la guerre civile actuelle.
Les minorités religieuses au Yémen
Bien que le Yémen soit un pays quasi-exclusivement musulman, il existe de petites minorités religieuses historiques, aujourd’hui largement marginalisées ou disparues.
Les chrétiens
La communauté chrétienne du Yémen est extrêmement restreinte, estimée à quelques milliers de fidèles, dont une majorité d’étrangers. Le christianisme n’a pas de reconnaissance officielle et les conversions de l’islam au christianisme sont socialement inacceptables, voire dangereuses. L’Église catholique et d’autres confessions ont néanmoins quelques lieux de culte discrets, principalement à Aden et Sanaa.
Les juifs
Le Yémen comptait autrefois une importante communauté juive, présente depuis plus de deux millénaires. Au XXe siècle, la majorité des Juifs yéménites ont émigré en Israël, notamment durant l’Opération Tapis Volant (1949–1950). Aujourd’hui, seuls quelques membres de cette communauté subsistent, vivant dans des conditions de grande précarité et sous protection.
Les baha’is
La foi baha’ie, présente au Yémen depuis le XIXe siècle, est aujourd’hui persécutée. Ses fidèles, très peu nombreux, font l’objet d’arrestations et de discrimination, notamment par les autorités houthies qui les considèrent comme une menace idéologique.
La liberté religieuse au Yémen
La liberté de religion est fortement restreinte au Yémen. La conversion de l’islam vers une autre religion est considérée comme un apostasie, passible de sanctions sévères. La construction de nouveaux lieux de culte non musulmans est interdite, et la pratique religieuse en dehors de l’islam est généralement confinée au cadre privé.
Les minorités religieuses doivent faire face à des obstacles juridiques et sociaux importants. La guerre civile actuelle aggrave encore la situation, en particulier dans les zones contrôlées par les Houthis, où les droits religieux sont encore plus restreints.
L’impact de la religion sur la vie sociale et politique
La religion est omniprésente dans la société yéménite. Elle influence la vie quotidienne, les normes sociales, les lois, l’éducation et la politique. La division religieuse entre sunnites et chiites est aujourd’hui exacerbée par les conflits armés, même si les origines du conflit sont également politiques, économiques et tribales.
Les mouvements religieux, comme les Frères musulmans (à travers le parti Al-Islah) ou les salafistes, jouent un rôle politique important. De leur côté, les Houthis utilisent le discours religieux zaydite pour légitimer leur pouvoir dans le nord.
Conclusion
Les religions au Yémen, bien que dominées par l’islam sous ses formes sunnite et chiite zaydite, présentent une complexité historique et culturelle profonde. Si les minorités non musulmanes sont désormais marginales, les différences internes à l’islam continuent de façonner le paysage politique, identitaire et militaire du pays. Dans un contexte de guerre prolongée, la compréhension de ces dynamiques religieuses est essentielle pour appréhender les enjeux de la paix et de la reconstruction au Yémen.